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Jocelyne Erhel : "des produits et des dérivées en maths"

Portraits

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03/12/2024

Portrait d'alumni

Jocelyne Erhel s'est prêtée à l'exercice de l'interview-portrait. Attentive.

Peux-tu te présenter, présenter ton parcours et tes domaines de recherche ?

En tant qu’élève de l’ENS de Fontenay-aux-Roses, j’ai étudié à l’université de Paris 6, où les cours d’analyse numérique m’ont donné envie d’approfondir ce domaine des mathématiques appliquées. J’ai rejoint l’Inria Rocquencourt en octobre 1980 pour y faire une thèse, et je viens de quitter l’Inria Rennes en octobre 2024 pour vivre une retraite à temps plein. En effet, après quelques années à l’Inria Rocquencourt, je suis partie à Rennes en 1987, où je suis restée jusqu’à la retraite en 2019, suivie de cinq ans d’éméritat. Toute une carrière à l’Inria !
J’ai travaillé sur le calcul scientifique et les algorithmes parallèles. Résoudre des grands systèmes d’équations, triturer des équations aux dérivées partielles, calculer le plus vite possible, c’était ma tasse de thé. Appliquer mes résultats à des problèmes de géophysique, c’était mon biscuit de dégustation.


 Quelles activités as-tu poursuivi en éméritat ? es-tu engagée auprès de plusieurs communautés ou organisations ?

Les deux premières années de l’éméritat ont été chamboulées par le COVID. Mon dernier doctorant a soutenu sa thèse en septembre 2020, nous avons publié sous HAL nos résultats (mes dernières publications). J’ai continué le travail classique de relecture d’articles scientifiques, de participation à des jurys de thèse ou HdR. En tant que membre du conseil scientifique de l’IFPEN, j’ai participé à diverses évaluations et discussions, vraiment passionnantes et enrichissantes, sur la transition énergétique.
Ayant plus de temps à consacrer à Ia vulgarisation scientifique, j’ai pu lancer des projets d’envergure à Interstices. En particulier, j’ai écrit le scénario d’une première vidéo sur les épidémies (COVID et autres) vues par la lorgnette des mathématiques. Sur ma lancée, je viens de finaliser une deuxième vidéo sur les notions de croissance, décroissance et sobriété, toujours avec un regard mathématique.

Pourquoi t’es-tu engagée auprès d'Interstices en particulier ?
J’ai toujours aimé expliquer et partager la culture scientifique. Un jour, je participais à un séminaire Inria et j’y ai rencontré le responsable scientifique d’Interstices, François Rechenmann. Il m’a vite convaincue de rejoindre le comité éditorial. Quelques années plus tard, il m’a proposé de prendre sa place et a su être persuasif. C’est ainsi que j’ai pris la responsabilité scientifique d’Interstices pendant une dizaine d’années. L’équipe a continué et continue d’enrichir le site avec des articles, animations, podcasts, etc. Le succès est toujours au rendez-vous, c’est très gratifiant. De plus, expliquer ce que l’on fait exige d’approfondir le sujet. On ne raconte bien que si l’on a bien compris ! Finalement, vulgariser est un atout certain pour avancer dans le travail de recherche.

Quels sont les prochains défis à relever dans le cadre d'Interstices et de la médiation scientifique en générale ?

Je m’inquiète de la montée des pseudosciences dans le monde. Les climatosceptiques ont fait perdre un temps précieux à l’humanité pour prendre conscience des problèmes climatiques et énergétiques. Pourtant, la culture scientifique est essentielle pour comprendre le monde actuel et les enjeux sociaux. C’est un grand défi de lutter contre l’ignorance scientifique et de contrer les théories du complot. Les auteurs d’Interstices ont par exemple un rôle à jouer pour expliquer le fonctionnement des réseaux sociaux et de la désinformation. La médiation scientifique de l’Inria doit se développer, avec des moyens humains et financiers à la hauteur de ses ambitions.

Te souviens-tu de tes impressions lors de tes premiers mois chez Inria ? 
Oui, je me souviens très bien de mes premiers mois au centre de Rocquencourt, il y a déjà fort longtemps… J’ai été chaleureusement accueillie par les équipes du bâtiment 16, où une place de bureau m’a été attribuée, en face de Michel Sermange, hélas disparu tragiquement quelques années plus tard. A l’époque, nous n’avions pas d’ordinateur portable, nous allions dans une salle informatique travailler sur des ordinateurs fixes. C’était un réel progrès par rapport aux cartes perforées de mon stage de DEA ! Mieux encore, nous avons disposé très vite d’un réseau local, puis d’Internet et de la messagerie, c’était fabuleux. Les collègues semblaient regretter le temps où ils pouvaient utiliser la piscine de Rocquencourt, cependant nous pouvions jouer au tennis et faire du sport sur place.

En regardant dans le rétroviseur, quel fait ou moment marquant de ton parcours Inria, ou quelle anecdote peux-tu partager avec nous?
Un fait marquant est certainement ma mutation au centre de Rennes, car j’y retrouvais ma Bretagne natale. D’ailleurs, il était facile d’expliquer ce choix de Rennes puisque c’était un retour au pays ! Je me suis vite intégrée à l’équipe d’accueil, le duo avec Bernard Philippe a été un immense plaisir.
Un autre moment important dans mes travaux est ma rencontre avec Géosciences Rennes. On a commencé par un sujet très précis, puis on a déroulé le fil des discussions et tissé une collaboration de vingt-cinq ans. Nous poursuivions souvent nos discussions dans les cafétérias du campus rennais, où nous échangions nos points de vue mathématiques et physiques sur la gestion de l’eau, la pollution, etc.


Quelles valeurs partages-tu avec Inria ?
Il est important en sciences d’être honnête et l’Inria lutte contre le plagiat. La rigueur est aussi une qualité fondamentale, que partagent les chercheurs. L’Inria doit continuer son engagement pour la science ouverte, afin de partager la connaissance, tout en protégeant certains résultats sensibles. Notamment, il faut à mon avis favoriser les publications scientifiques gérées et financées par des organismes, gratuites pour les auteurs comme les lecteurs.

Que conseillerais-tu aux plus jeunes de notre communauté -jeunes, en âge comme en ancienneté- pour dynamiser leur parcours ?
Plus facile à dire qu’à faire, il faut trouver un juste équilibre entre les différentes tâches. Réserver un temps significatif pour la lecture, la rédaction et la publication de documents, pour l’encadrement de jeunes chercheurs, pour la réflexion. Éviter de se faire déborder par les aspects budgétaires et administratifs. Collaborer et s’intégrer à un réseau influent pour se faire connaître. Bien choisir son sujet, ne pas hésiter à en changer si besoin.

Que saurais-tu leur apporter ?
Je peux faire part de mes expériences, bonnes ou mauvaises. Je peux discuter avec des étudiants ou des chercheurs (hommes ou femmes) de leurs projets, de leurs succès et échecs, utiliser mon expérience de l’écoute active. Je peux aussi continuer la vulgarisation sur les sujets qui me tiennent à cœur.

Et nous, communauté, réseau, que peut-on t’apporter aujourd’hui ? As-tu des attentes particulières ?
Il y a beaucoup à faire en médiation scientifique. Je pense que la communauté Inria Alumni peut jouer un rôle dans ce domaine, en mobilisant les compétences du réseau.

Comment garder le contact ?
Par le mail.

Un mot clé ou une citation qui titrera ce portrait ?
Des produits et des dérivées en maths.

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